Discussion en ligne sur: Les travailleurs domestiques comptent eux aussi

Les travailleurs domestiques comptent eux aussi : donner de la visibilité aux travailleuses domestiques migrantes et les protéger grâce à des protections juridiques et sociales

En collaboration avec ONU Femmes à New York et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Initiative conjointe Commission européenne-Nations Unies pour la migration et le développement (ICMD) a le plaisir de présenter cette discussion en ligne sur « Les travailleurs domestiques comptent eux aussi : donner de la visibilité aux travailleuses domestiques migrantes et les protéger grâce à des protections juridiques et sociales ».  Cette discussion est officiellement lancée ce jour, 8 mars 2011, en vue de célébrer la Journée internationale de la femme. Le Dr. Jean D’Cunha, Conseiller sur la migration internationale d’ONU Femmes, et Maya Gurung, une travailleuse domestique membre de Pourakhi, (une organisation de travailleuses migrantes rapatriées du Népal) lanceront cette discussion en ligne.  

Dans le monde, un grand nombre de femmes et de filles migrantes, venant notamment des pays en développement, sont employées comme travailleuses domestiques. Selon les estimations les plus prudentes de l’OIT, on compte au moins 112 millions de travailleurs domestiques de 29 pays différents dans les cinq régions du monde – l’Asie, l’Afrique, l’Océanie, les Amériques et l’Europe. Malgré son importance au niveau du développement, le travail domestique n’est pas considéré comme un emploi officiel en raison de sa nature privée et de la faible valeur qui lui est associée - celle d’un travail de soin féminin non payé, souvent perçu comme inhérent à la nature et à l’être de la femme. En conséquence de quoi, les travailleurs domestiques sont victimes d’une série de violations des droits de l’homme aux niveaux social et légal.

Maya Gurung, une travailleuse domestique membre de Pourakhi, une organisation basée au Népal et fondée en 2003 en vue de défendre les droits des travailleuses migrantes, avec l’appui d’ONU Femmes, a gentiment accepté de lancer conjointement cette discussion en ligne en faisant partager son expérience. Elle écrit :

Je m’appelle Maya Gurung, et je suis une travailleuse migrante rapatriée du Népal [qui a été employée en tant que travailleuse domestique] dans un pays du Golfe. Avant de prendre cet emploi à l’étranger, je travaillais dans un centre de garde d’enfants de mon village. J’ai été contrainte de migrer pour travailler, afin de rembourser mes dettes. J’ai laissé derrière moi mes jeunes fils et filles, mon mari et mes beaux-parents, et me suis rendue dans un pays du Golfe en tant qu’employée de maison, après avoir payé 500 dollars E.U. à un agent [de placement].

Je me suis rendu dans ce pays du Golfe via New Delhi, sans aucun papier ni formation, ni même connaître l’adresse de mon employeur. Lorsque je suis arrivée à l’aéroport, on m’a emmenée à un bureau de placement où l’on m’a informée que je recevrais 35 dinars (125 dollars E.U.) par mois. Mon employeur a gardé mon passeport et mes autres papiers. Je devais m’occuper d’une grande maison de trois étages, où vivaient cinq membres de la famille et où de nombreux parents avaient l’habitude de séjourner. Mes principales tâches étaient de nettoyer, de laver et de repasser le linge, de préparer les repas et de prendre soin des enfants du petit matin jusqu’à tard le soir (de 5 heures à 1 heure du matin). Je n’avais pas la possibilité de me reposer, et mes seuls repas étaient constitués des restes des assiettes de mon employeur, ce que je ne pouvais pas me résoudre à manger. J’ai donc survécu avec du pain et du thé noir pendant 15 jours.

Mon agent m’a ensuite placée chez un autre employeur.  Je gagnais seulement 10 ou 15 dinars (50 dollars E.U.) par mois au lieu de 35 (qui passaient souvent intégralement dans les appels téléphoniques que je passais à mes enfants). Au bout de 11 mois, je suis partie sans rien. J’ai découvert que des gens de mon village et des parents vivaient eux aussi dans ce pays. L’un de ces parents était un agent de placement, et je suis donc allée vivre dans sa famille, où j’ai commencé à faire la cuisine, à nettoyer et à m’occuper d’autres employées de maison népalaises. Ces personnes de mon village ne m’ont jamais donné un centime, ou essayé de me trouver un autre travail… En désespoir de cause, je suis allée me plaindre à la police pour avoir de l’aide, car je n’avais pas accès à une ambassade. Au lieu d’obtenir justice, j’ai été reconnue coupable et condamnée à une peine de prison de deux ans…

En fin de compte, je suis entrée en contact avec un travailleur népalais qui a facilité mon expulsion, avec l’aide de l’Ambassade du Népal en Arabie saoudite. Je suis revenue au Népal après avoir effectué 14 mois de prison… Mes factures s’entassaient lorsque j’ai été contactée par Pourakhi. Pourakhi m’a fourni un abri et une aide juridique… Aujourd’hui, je suis membre de Pourakhi. Un rayon d’espoir est entré dans ma vie. Depuis trois mois, je travaille au sein du centre de formation de Pourakhi… J’ai pu faire partager mon expérience lors du Forum mondial pour la migration et le développement organisé à Mexico en 2010, avec l’aide de Pourakhi et d’ONU Femmes. Depuis lors, je me sens beaucoup plus autonome et confiante. J’ai désormais envie d’aider Pourakhi à défendre les droits des travailleurs domestiques et des travailleuses migrantes.

L’histoire de Maya illustre les abus, la discrimination et l’exclusion des protections juridiques et sociales dont sont victimes les travailleurs domestiques. Pour autonomiser des travailleuses comme Maya, il convient de promouvoir une politique et un cadre institutionnel tenant compte des sexospécificités ainsi que de renforcer la capacité des travailleuses migrantes à exiger leurs droits et à célébrer leurs contributions économiques et sociales au développement.

Au cours de cette discussion en ligne, nous souhaiterions examiner les questions suivantes :

Questions

Semaine Un

  1. Quels sont les principaux obstacles à la formulation et à l’application des protections juridiques et sociales en faveur des travailleurs domestiques ?
  2. Comment les agences internationales, décisionnaires politiques, organisations de la société civile, monde universitaire et militants travaillant à défendre les travailleurs domestiques font-ils face à ces obstacles ?

Semaine Deux :

  1. Pouvez-vous identifier et discuter brièvement des bonnes pratiques au niveau de la formulation et de l’application des protections juridiques et sociales en faveur des travailleurs domestiques locaux et migrants ?
  2. Quels facteurs ont-ils contribué au succès de ces bonnes pratiques ?

Semaine Trois

  1. Comment les bonnes pratiques existantes peuvent-elles être renforcées, modifiées et reproduites ailleurs ? Veuillez fournir des exemples.  

Nous encourageons chaleureusement les membres à transmettre ce message à nos réseaux et à les inviter à y contribuer eux aussi. La discussion en ligne durera trois semaines, du 8 mars au 30 mars 2011. Veuillez participer en envoyant un courriel à m4d@groups.dev-nets.org ou en affichant vos commentaires en ligne sur le forum Migration4Development ici. Veuillez noter que les réponses ne sont pas automatiquement partagées mais sont transmises à des équipes de facilitation pour compilation.

Les résultats de cette discussion en ligne seront présentés sous forme d’une réponse consolidée. Nous attendons avec impatience cette discussion riche et active. Merci à l’avance de votre participation !

L’équipe de facilitation M4D-net, ONU Femmes et OIM

Discussions précédentes

Les discussions électroniques précédentes ont rassemblé des parties prenantes de gouvernements locaux, d'autorités nationales, d'organisations de la société civile, d'universitaires, de la communauté internationale et plus encore pour discuter de sujets tels que le déplacement forcé et le développement durable, la protection des travailleurs migrants, comment les CSO et autres acteurs locaux peuvent soutenir le leadership des villes sur les sujets de M&SD et plus encore.